Voici la suite ! :o)
Bonne journée !
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Nolim se réveilla brusquement, tremblant, haletant, en sueur. Il retomba aussitôt sur son oreiller avec un soupir. Un cauchemar. Rien de plus qu’un cauchemar. Il essuya son front dégoulinant d’un revers de main mal assuré et jeta un regard circulaire autour de lui. Tous les autres serviteurs qui partageaient la même chambre que lui dormaient encore, la plupart venant à peine de s’endormir. Nolim les avait entendus rentrer des fêtes deux ou trois heures plus tôt, chuchotant, à moitié ivres pour la majorité, encore prodigieusement excités à l’idée de ce à quoi ils allaient assister. Le jeune garçon trouvait cela écœurant. Mais il était dans ses habitudes de se sentir différent des autres.
Brusquement nerveux il s’extirpa du lit, ramassa ses vêtements et sortit silencieusement du dortoir. Les thermes des serviteurs étaient vides et il en profita pour prendre un long bain, se prélassant dans l’eau chaude avec délice, songeant à Lune-de-jour. Nolim savait qu’il n’était pas comme la plupart des Ferhirés, en réalité il n’était probablement pas un Ferhiré comme en attestait ses cheveux d’un blanc de neige, sa peau noire comme l’ébène et ses yeux d’un violet profond. Cela expliquait peut-être pourquoi il jugeait cette cérémonie barbare et absurde et pourquoi l’idée d’être séparé de Lune-de-jour l’attristait tellement.
Nolim savait qu’on l’avait découvert tout bébé sur une plage de l’Océan des Flammes, surgi de nulle part, abandonné entièrement nu sur le sable. Des pêcheurs l’avaient ramené dans leur village, à la fois fascinés et terrifiés, et sans l’intervention de Lune-de-jour par hasard en promenade ce jour-là, il aurait certainement été sacrifié à Sram ou un autre des dieux du Thalnathos. Mais Lune-de-jour l’avait sauvé et avait fait en sorte qu’on l’élève au Palais de Nacre, jusqu’à ce qu’il soit assez grand pour le-la servir. Peu à peu on s’était habitué à son apparence peu commune et même s’il subissait encore des quolibets, rares étaient ceux qui l’atteignaient réellement. Nolim se sentait heureux auprès de Lune-de-jour, il n’avait aucune envie que les choses changent.
Pourtant les choses devaient changer. Cette révélation le frappa brutalement. Il eut la sensation que l’eau des thermes, pourtant claire et à une température idéale, se faisait soudain sombre et profonde, glacée. Il frissonna et voulut quitter le bassin où il se trouvait, mais il se rendit compte avec panique qu’il était incapable de bouger. Il appela à l’aide, mais il n’y avait personne dans la salle. Sa respiration se bloqua lorsqu’il prit conscience du fait que l’eau l’attirait lentement vers le fond. Il chercha à se débattre encore, mais il était comme paralysé. Des larmes de terreur jaillirent malgré lui de ses yeux violets. Il hurla encore et encore, vainement, et l’eau commença à s’infiltrer dans sa bouche.
Bientôt elle atteignit le niveau de son nez, puis ses yeux, son front, et l’engloutit totalement. Tournoyant doucement sur lui-même, Nolim glissa lentement jusqu’au fond du bassin. Il finit par sentir les pierres qui tapissaient le sol contre son dos et loin, très loin au-dessus de lui, il distinguait les lumières qui éclairaient les thermes et se reflétaient à la surface. Il était encore terrifié, d’autant plus qu’il ne comprenait pas comment il pouvait continuer à respirer alors qu’il était sous l’eau, mais peu à peu un étrange apaisement le gagna.
Quelque chose affleurait à sa conscience, quelque chose qui concernait sa vraie nature et l’importance de la tâche qui lui incombait. Des souvenirs… Des souvenirs se reformaient peu à peu, naissant d’éclats de pensées disparates dont il n’avait jamais compris la provenance, reflétant une vie passée, sa vie. Lentement les histoires qu’il avait l’habitude de raconter sans savoir d’où lui venait l’inspiration prirent un sens nouveau. Cela devait arriver aujourd’hui, maintenant, telle était la volonté du Dieu Supérieur. Nolim le conteur d’histoires ferma les yeux et s’immergea en lui-même avec sérénité. Proche, c’était si proche. Et soudain il sut.